Apprendre à demander

Rien n’est plus difficile que de demander de l’aide à autrui, que ce soit un proche, un ami, un professionnel, lorsque l’on est quelqu’un d’indépendant, que l’on a pris l’habitude de tout gérer par soi-même. Et c’est d’autant plus difficile quand cela se rapporte à des choses intimes, des faiblesses que l’on n’a avouées à personne, ou tout simplement des malaises que l’on n’a jamais eus jusqu’à ce jour et qui deviennent un véritable handicap.

Et ces citations de Henri-Frédéric Amiel me correspondaient bien :

« Ne rien demander, c’est ne pas dépendre de quelqu’un qui pourrait m’humilier en me refusant. Demander, c’est dépendre du bon vouloir d’un autre, c’est rendre le caprice d’un homme juge de mon sort. »


Avant, c’était avant…

Pour ma part, je rejetais auparavant toute forme de faiblesse et j’étais plutôt du style « Aide-toi, le ciel t’aidera ! » sans demander quoi que ce soit, m’investissant énormément, dormant très peu et ne ressentant jamais la fatigue. Mais un beau jour… les ennuis se manifestèrent subitement et mes fantasmes d’indépendance s’écroulèrent.

J’avais pris l’habitude de vouloir assumer tout un ensemble de responsabilités, tant dans ma vie professionnelle que familiale : administration, gestion, réorganisation, mais aussi investissement en bricolage, customisation, cuisine, ménage… Bref, je ne flirtais pas trop avec le terme « déléguer » !

Ce qui transforma ma vie

Tout d’abord, ce furent des malaises intempestifs, des évanouissements quelquefois épiques comme la rencontre sympathique de ma tête avec un angle de coffre ! Du jour au lendemain, je n’osai plus me déplacer seule, j’avais peur de m’évanouir en pleine rue, de prendre le métro, le train et j’en passe. Lors d’une cytoponction, je me suis évanouie, causant quelques désordres dans le service. On me transporta dare-dare (course effrénée dans les couloirs !!) aux urgences. Ce fut une expérience horrible où les pulsations passaient de 75 à 240. J’ai vraiment eu l’impression que j’allais passer de vie à trépas. Mais heureusement, j’ai eu la crise au bon moment, au bon endroit et l’on a pu ainsi me prescrire le traitement adéquat.

Dès le premier instant, le soutien sans faille de mon mari et de ma fille me fut précieux. Quel bonheur que de sentir la présence d’un être cher à mes côtés, pouvoir lui demander de réaliser pour moi des actes simples mais que l’on ne peut plus exécuter parce que l’on est bloqué dans un lit, comme le fait de m’apporter à l’hôpital un repas à mon goût, m’acheter un produit… Quant aux actes plus délicats comme l’assistance lors de la toilette, on renâcle au départ à le demander et puis… on met sa fierté dans sa poche et on l’accepte.

Je pense aussi au stress important que j’ai dû leur causer lors de mes évanouissements dont je ne garde aucun souvenir. Je ne voulais pas en informer ma fille au départ, laquelle me déclara quand elle le sut : « S’il t’était arrivé quelque chose, je ne te l’aurais jamais pardonné ! ».

Un autre exemple, ainsi que je l’ai dit dans un article précédent, porta sur l’aide que m’apporta ma fille pour la coupe de mes cheveux et le choix de ma perruque. Sans elle, je ne sais pas si j’aurais eu la volonté d’aller juste après la première visite avec l’oncologue chez le coiffeur pour me faire couper les cheveux que je portais longs depuis fort longtemps. De même, elle m’accompagna et me conseilla pour l’achat d’une perruque. Et ce fut long, très long  car je n’arrivais pas à me décider !! Mais je rentrai, bien que très fatiguée, reconnaissante et satisfaite d’avoir pu tout préparer avant d’être hospitalisée.

Un enrouement sévère et durable me fit aussi comprendre que j’aurais besoin d’un « porte-parole ». Moi qui me targuais auparavant « d’avoir du coffre », je me retrouvai tout d’un coup aphone. Quelle catastrophe : ma voix était cassée, éraillée, je n’arrivais plus à faire passer mon message. Là aussi, je dus demander de l’aide à mon mari et ce ne fut pas facile car je trouvais (affreuse que j’étais) qu’il ne restituait jamais à 100 % ma pensée !!

Autre point que je veux mettre en exergue : l’aide du personnel hospitalier. Là également, c’est quelquefois gênant de devoir appeler, réclamer à de nombreuses reprises en dépit de la gentillesse des uns et des autres. Il s’agit d’aller droit au but, d’émettre une demande précise afin de ne pas leur faire perdre de temps. Et je leur suis vraiment reconnaissante pour leur dévouement, leur investissement, le réconfort qu’ils m’ont apporté.

Enfin, mes amis, ma famille m’ont beaucoup entourée. Ce qui est assez bizarre fut que certains individus que je considérais comme mes amis et que j’avais aidés dans le passé se sont brusquement volatilisés et je crois bien que je ne suis pas la seule à qui cela est arrivé. Mais ce n’est pas dramatique !! Étaient-ils vraiment mes amis ? Sont donc restés les meilleurs. Et j’ai renoué, chose encore plus bizarre, avec des personnes dont je n’avais pas de nouvelles depuis fort longtemps. Leur chaleur, leur soutien moral, leur écoute, le désir de me satisfaire furent et restent pour moi un superbe réconfort.

Pour conclure, je dirai…

Demander de l’aide ne fait pas de nous quelqu’un de faible, contrairement à ce que je pensais au départ et ne consiste pas dans le fait d’avouer notre impuissance, même si elle n’est que très limitée.

Demander de l’aide, ce n’est pas penser que notre demande de soutien va permettre à l’autre de prendre de l’ascendant sur nous et menacera notre indépendance.

Demander de l’aide, c’est une action gagnant-gagnant tant pour celui qui reçoit que pour celui qui donne. Il ne faut pas penser que demander c’est forcément déranger car beaucoup de personnes aiment prêter main-forte dans la mesure bien entendu où la demande est justifiée.

Quelques liens…